FRANCO-FLAMANDS (MUSICIENS)

FRANCO-FLAMANDS (MUSICIENS)
FRANCO-FLAMANDS (MUSICIENS)

FRANCO-FLAMANDS MUSICIENS

Expression controversée désignant un groupe de musiciens du XVe et du XVIe siècle. On rencontre aussi les dénominations de musique ou d’«école» néerlandaise, flamande, wallonne, bourguignonne, italo-bourguignonne, franco-bourguignonne, néerlando-bourguignonne. Les dénominations s’enchevêtrent au gré des doctes, s’entrechoquent au fracas des nationalismes, englobant à peu près toujours les mêmes musiciens, dont bien souvent les œuvres regimbent contre d’étroites étiquettes. Qu’en est-il réellement?

Historiquement, on doit constater au XVe siècle l’existence d’une constellation musicale — qui se prolonge et s’épanouit jusqu’à la fin du XVIe siècle — dont les étoiles sont presque toutes originaires de ce qu’on tend aujourd’hui de plus en plus à appeler «les anciens Pays-Bas» (aussi bien Hainaut, Brabant ou pays de Liège que Flandre — actuellement belge ou française — et Hollande). Tous ces musiciens parlent français, latin, italien, fort peu néerlandais; presque tous, ils appartiennent à la mouvance bourguignonne des «grands ducs d’Occident» — et au XVIe siècle à l’empire de Charles Quint. Et ils exerceront leur art dans des centres divers: à la cour de Bourgogne mais aussi à la cour de France, à la cour pontificale de Rome, en d’autres villes italiennes.

Il est donc difficile d’imposer une dénomination collective tout à fait satisfaisante, plus difficile encore de parler au sens strict d’une «école» franco-flamande ou franco-italo-flamande. Mais il faut maintenir que cette constellation de créateurs fort divers reste liée par des affinités bien sensibles; plus qu’en termes d’histoire territoriale, c’est en termes d’orientation musicale et esthétique qu’on pourrait tenter de la situer. Hugo Riemann estimait, en termes encore assez vagues, qu’elle devait «son caractère le plus typique à la création du style a cappella en imitations vers 1460». Pour Floris van der Mueren, il serait logique d’«appeler cette époque les débuts de la Renaissance , vu que, d’un côté, on y jette réellement les bases de la révolution harmonique avec toutes ses conséquences et que, de l’autre, les auteurs sont d’accord pour y trouver les symptômes de l’avenir (l’harmonie, la cadence, la prédominance des superius et l’imitation)». Aussi, après W. Gurlitt (1924), convient-il de souligner l’importance de la chanson du début du XVe siècle, laquelle influencera notablement les autres genres, motet et messe surtout. De plus en plus, la voix supérieure tend à prédominer alors que les voix inférieures prennent parallèlement le caractère d’accords; le superius entre progressivement dans une mesure symétrique et dans un processus périodique, établissant un contraste rythmique avec les autres parties. De son côté, H. Besseler a souligné le caractère de faux-bourdon des hymnes et antiennes (motets) de l’époque bourguignonne, ce qui rappelle l’ancien conduit (conductus ) anglais. Des nouveautés apparaissent depuis la génération de Dufay (apr. 1420 env.); on citerait notamment: «le renouvellement du caractère chantant, la construction systématique d’un rythme égal à la base de la mélodie. On découvre la poussée de la cadence.» Par ailleurs, Besseler distingue la tradition gothique, avec son indépendance rythmique et mélodique des voix, de la tradition italienne nouvellement née, qui impose ses tendances à la génération de Dufay, avec polyphonie à unité tonale, concordance plus nette entre la voix principale et les autres voix, relation sous forme de canon entre superius et ténor et le rôle qu’elle remplit comme incipit d’œuvre, début de phrase ou mise en relief de certaines parties du texte. Wolfgang Stephan s’accordait avec une telle thèse lorsqu’en 1937, dans une étude sur le motet flamand-bourguignon au temps d’Ockeghem, il remarquait que le motet de Dufay, Nuper rosarum flores , résumait tous les moyens de l’art du motet en Occident et était le fruit de l’apport italien et de l’apport anglais à travers la tradition locale. Il serait fastidieux d’énumérer ici, sans pouvoir accorder au moins quelques mots à chacun pour le caractériser, les quelque cent vingt noms qu’on a pu, au gré des musicologues, rattacher de plus ou moins près à l’école franco-flamande. Citons du moins, dans un ordre chronologique approximatif, une vingtaine de très grands musiciens sur lesquels le lecteur trouvera, à leur nom, une plus ample information dans Encyclopædia Universalis : Johannes Ciconia, les Lantins (Hugo et Arnold), Gilles Binchois, Guillaume Dufay, Johannes Ockeghem, Antoine Busnois, Johannes Tinctoris, Josquin des Prés, Alexandre Agricola, Jacob Obrecht, Heinrich Isaak, Loyset Compère, Mathieu Gascongne, Adrian Willaert, Nicolas Gombert, Jacques Arcadelt, Clemens non Papa, Thomas Crecquillon, Cyprien de Rore et Roland de Lassus.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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